Le concept d’agriculture urbaine (AU) se réfère aux diverses modalités d’inclusion des espaces de production alimentaire dans la ville : l’agriculture n’est plus seulement aux portes des métropoles, mais incluse dans le tissu urbain ou périurbain de la ville étalée. Dans les interstices de la ville, émergent des formes de production innovantes comme des initiatives de citoyens urbains. Comment faire en sorte que ces deux figures d’occupation de l’espace, l’agriculture et la ville cohabitent ? Quelles sont les nouvelles complémentarités, mais aussi les contradictions ?
Objectifs
Cette Ecole thématique avait pour but d’…
- Offrir un panorama des connaissances sur l’agriculture urbaine, par une approche pluridisciplinaire et la comparaison de différents contextes (France, Suisse, pourtour méditerranéen, Québec, …);
- Assurer une formation permettant d’acquérir un cadre général d’analyse, des outils conceptuels et méthodologiques utiles aux chercheurs comme à ceux qui conduisent des projets dans ce domaine;
- Favoriser les échanges entre savoirs pratiques et savoirs théoriques, entre chercheurs, étudiants, gestionnaires, associatifs en charge de projet relevant de l’agriculture urbaine;
- Identifier au cours de cette première édition, les besoins en formation et recherche qui pourront être développés dans l’avenir.
Origine du projet
La rencontre avec les organisateurs de l’Ecole d’été de l’agriculture urbaine à Montréal et la formation concomitante d’un groupe sur l’agriculture au sein de la Zone atelier environnementale urbaine de Strasbourg.
Contexte
Au cours des 20 dernières années, on a assisté à une multiplication d’initiatives et d’expérimentations en rapport avec les productions d’aliments, depuis les jardins communautaires ou partagés jusqu’aux associations de soutiens aux agriculteurs (AMAPs ou community supported agriculture), en passant par les jardins d’insertion ou encore les différents types de partenariats entre gestionnaires urbains et agriculteurs – et ce rythme semble s’accélérer ces dernières années, particulièrement à partir du moment où les préoccupations concernant le changement climatique ont commencé à questionner la localisation et les formes de production alimentaire.
La «demande de nature» de la part des habitants urbains, responsable des dynamiques d’expansion de la ville, ne se limite plus actuellement à une nature paysagère et esthétique « libérée de l’urbain », mais porte désormais sur des combinaisons entre végétal et bâti, utilisant non plus seulement les interstices mais l’ensemble des surfaces bâties : toits, murs, patio intérieurs… Un tel « urbanisme végétal » (Da Cunha, 2010) ne peut toutefois se limiter à une végétalisation de contemplation, les attentes des habitants s’exprimant clairement pour une nature productive et nourricière. Ceci se manifeste notamment par les attentes des consommateurs à la recherche d’une plus grande «proximité» dans l’origine des produits qu’ils consomment. Ces tendances, tout en étant paradoxales, rendent nécessaires une évolution des modèles de planification urbaine.
Le concept d’AU illustre cette agriculture, qui n’est plus seulement aux portes des métropoles, mais incluse dans le tissu urbain ou périurbain de cette ville étalée. Aussi, la question actuelle devient celle des modalités de cohabitation, d’intégration entre ces deux figures d’occupation de l’espace, l’agriculture et la ville.
Cette école thématique a souhaité aborder la diversité des initiatives aussi bien des citoyens (habitants, professionnels, associations,…) que des acteurs publics dans différents contextes et différents cas de villes en Europe, au Canada, et sur le pourtour méditerranéen.
Les expériences sont nombreuses et diverses, mais il manque un cadre d’analyse transversal qui permette d’en tirer des enseignements généraux, et de comparer ces dynamiques entre elles, pour en jauger la réplicabilité ou en interroger la durabilité.
Cette Ecole Thématique – et le site qui en résulte- se propose d’apporter quelques outils théoriques, conceptuels, méthodologiques pour des analyses transversales et comparatives de ces agricultures urbaines.
- Un consensus émerge-t-il actuellement sur la définition de l’AU dans la communauté scientifique ?
- Quelles sont les configurations d’acteurs dans différents cas et quels enseignements en tirer en termes de gouvernance et de dynamique favorable ou contraire à l’AU ?
- Comment aborder les enjeux de santé qui touchent l’agriculture urbaine ? Quelles contaminations ? Quels moyens de les contenir, éviter, contourner ?
- Et sur le versant positif, de quelles façons l’AU peut-elle mise au service de l’équité et de la gouvernance alimentaire ?
- La relocalisation des productions est présentée comme un enjeu pour la préservation du climat. Qu’en est-il de l’impact en termes de gaz à effet de serre de nos systèmes alimentaires ? L’agriculture urbaine peut-elle le réduire ?
Ces questions se posent en termes de connaissance comme en termes d’action, elles mettent en jeu des savoirs scientifiques mais aussi des savoirs pratiques.
L’organisation a accordé une place importante à la confrontation des savoirs, leur mise à l’épreuve réciproque à travers des retours d’expériences et par l’implication des participants dans des travaux pratiques en ateliers.
A partir des présentations de différents cas et des outils méthodologiques, présentés dans les différentes interventions dont vous trouverez ici des enregistrements partiels, nous souhaitons vous donner un aperçu de la façon dont les fonctions nourricières de l’agriculture «travaillent» la ville, notamment dans sa quête de plus de bien être pour les habitants et de «durabilité» pour l’ensemble de la ville. Et réciproquement, comment les développements urbains et les attentes des citadins peuvent contribuer à l’émergence de nouvelles formes d’agriculture.
Agriculture(s) urbaine(s) : Usage du pluriel ou du singulier ?
Si l’on aborde l’agriculture urbaine sous l’angle des formes, des pratiques et des acteurs, le pluriel s’impose. Pourquoi, quel est intérêt alors de réduire cette pluralité par un usage du singulier ?
L’usage du pluriel tend à exacerber (réifier) les frontières entre l’agriculture périubaine pratiquée par des agriculteurs professionnels, et l’agriculture intraurbaine pratiquée par des non-professionnels. Or, ces derniers n’en détiennent pas moins (collectivement ou individuellement) un savoir et des savoir-faire appliqués à la production nourricière.
Si l’on aborde l’agriculture sous l’angle de ses enjeux, on perçoit alors mieux la transversalité et les points de convergence entre des pratiques diverses et des acteurs hétérogènes. Au premier plan, l’enjeu alimentaire. Il se décline en enjeu de conservation de la possibilité de choix des modèles alimentaires (normes de production, approvisionnement et consommation). Mais aussi en enjeu de santé : manger « sain », que ce soit par le choix de privilégier les productions locales ou par l’autoproduction, s’inscrit dans la recherche d’un nouveau rapport au territoire en tant qu’échelle où les échanges peuvent être maitrisés, mais aussi dans la volonté de maitriser les savoirs associés à la production alimentaire (comprendre le travail de l’agriculteur de son Amap, comme tester soi-même la culture des carottes par exemple…).
Les enjeux alimentaires sont un puissant levier pour repenser l’ensemble de la ville : architecture, plan d’urbanisme, organisation spatiale et sociale, gouvernance (Soulard, 2014 ; Da Cunha, op. cit.)…
Les enjeux environnementaux constituent également un facteur fondamental contribuant à faire émerger des problématiques communes aux différentes catégories d’acteurs et types de pratiques. Les différents types d’agricultures ont en effet un rôle à jouer dans la régulation des micro-climats urbains, en particulier dans la limitation des ilôts de chaleur, ou dans les enjeux liés à la conservation des sols et de la biodiversité. Ce qui induit des incitations équivalentes pour tous les types de cultivateurs urbains à adopter des pratiques conformes à ces enjeux (plans de suppression des phytosanitaires par ex…).